Acteur majeur du port Nantes-Saint-Nazaire, l’entreprise TGO accompagne l’éolien marin depuis ces débuts, en 2013. L’opérateur s’est adapté, a investi des millions pour une aventure industrielle qui n’est pas terminée.
Les curieux n’y ont pas leur place. À Montoir, le long de la Loire, le Terminal Grand ouest (TGO) est le grand site d’importation des conteneurs sur la façade atlantique. Des dizaines d’engins chargent, rangent ou empilent, en continu les produits d’import-export pour les particuliers ou les entreprises.
Depuis 2014 pourtant, une nouvelle filière bouscule ces opérations portuaires. « On a dû s’adapter très vite, quand l’usine Alstom (devenue General Electric, N.D.L.R.) est arrivée dans la zone portuaire pour construire ses turbines d’éoliennes » , se souvient James Le Cocq, directeur logistique de TGO, au milieu des conteneurs qui s’empilent.
Dans ces années-là, plus de 150 éoliennes Haliade 150 sont à construire pour différents parcs, dont celui de Saint-Nazaire. L’industriel américain a besoin de place pour ces grosses machines et sollicite son voisin TGO. « On a dû pousser les murs pour trouver des solutions et prendre des pièces. » Le roulement à billes d’un de ces rotors, c’est 6 m de diamètre !
Une adaptation en continue
L’opérateur se réorganise et met de l’argent sur la table. 700 000 € pour créer des magasins couverts (6 0 00 m² au total), des espaces de stockages extérieurs (15 000 m²). Il faut aussi refaire les enrobés, renforcer les sols, dédier une équipe spécialisée. Comme entreprise stratège, TGO bascule dans la logistique industrielle qui s’ajoute à l’habituelle logistique portuaire. « On s’est adapté en continu pour apporter un service à ce nouveau client. » L’opérateur apprend à stocker, à préparer et à tester les éléments d’éoliennes, petits ou grands, qui arrivent chaque mois par bateau. Tout est ensuite livré, à la grosse usine General Electric qui tourne juste à côté, en fonction de ses besoins.
Pour TGO, l’activité logistique des énergies marines renouvelables (EMR) atteint peu à peu 15 % du chiffre d’affaires. L’effectif dédié passe à 40 personnes, sous-traitants compris « Nous étions déjà impliqués dans la filière de l’éolien terrestre mais l’offshore n’a rien de comparable », poursuit James Le Cocq. Aujourd’hui encore, l’opérateur centralise l’arrivée par mer d’une centaine d’éoliennes terrestre par an, destinées à des parcs dans l’ouest de la France. Des machines dont les pales atteignent souvent plus de 50 m.
12 000 m² couverts, 35 000 m² en extérieur
Pour l’éolien marin, on change encore d’échelle. D’autant plus que GE dévoile, en 2018, une éolienne toujours plus grosse :
l’Haliade X, 1 500 tonnes sur la balance et 220 m de hauteur ! Le constructeur doit en construire 400 à Montoir d’ici 2026. TGO est aussitôt associé au processus industriel : 6 000 m² d’entrepôt et 20 000 m² de stockages extérieurs sont ajoutés à l’existant.
TGO investit encore plus de 5 millions d’euros pour s’adapter dont un million pour un chariot de transport « mille-pattes » indispensable à la manutention des nacelles XL. « La plus grosse des pièces, c’est 130 tonnes. »
Ce travail étroit entre une usine de production et un acteur portuaire est totalement nouveau. Il est même unique en France. Ça marche si bien que le port du Havre a repris ce modèle en 2022 quand l’usine d’éoliennes Siemens Gamesa s’est installée.
« On regarde tous les nouveaux dossiers EMR qui passent, poursuit James Le Cocq. On sera donc sur le futur parc éolien de Yeu-Noirmoutier. » Comme pour le parc de Saint-Nazaire, TGO stockera des centaines de coquilles et sacs de cailloux destinés en ensouiller les câbles sous-marins.
Éole, ces maxi-éoliennes flottantes en projet
Et demain ? « On ne sait pas ce que fera General Electric après 2026 et si ce constructeur décrochera de nouveaux marchés, car la concurrence est forte», convient James Le Cocq.
L’autre grand sujet pour le port de Saint-Nazaire se nomme Éole. Il s’agit de faire de Saint-Nazaire Montoir, un grand site d’assemblage et de maintenance des éoliennes flottantes, encore plus grosses que celles qui existent. Des machines capables de répondre à l’objectif de l’État qui est d’installer 18 Gigawatts d’éolien en mer d’ici 2030 en France.
En 2021, un accord est trouvé avec le syndicat portuaire pour créer une équipe dédiée aux EMR, en mesure d’intervenir de 6 h à 22 h pour le
client. En cet automne 2023, cinquante Haliade X sont déjà construites à Montoir, stockées et prêtes pour des parcs au Royaume-Uni.
« Il y a une ambition politique et le Grand port Nantes-Saint-Nazaire se positionne, termine l’expert en logistique portuaire. Mais cela reste un projet qui n’est qu’au stade de l’étude de faisabilité. Ces éoliennes n’existent pas encore. Les engins de transport portuaires non plus. Se posera la question de la loi sur l’eau avant de construire les quais. »
Et de conclure : « Un opérateur comme nous est prêt à s’adapter, mais la décision viendra d’ailleurs. Nous sommes en situation d’attente. »
Thierry HAMEAU, Ouest-France, 28/11/2023